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Le nouveau congé de circonstances en cas de « fausse couche » pour les agents de la fonction publique fédérale

Gepubliceerd op : 05/08/2024 05 août août 08 2024

L’arrêté royal du 9 juin 2024 met en place un nouveau congé de circonstances qui octroie aux fonctionnaires fédéraux un congé de 2 jours en cas de fausse couche précoce.

Abondamment relayée dans la presse[1], cette nouvelle constitue une première à l’échelle européenne.

Le contexte dans lequel ce changement s’inscrit

Jusqu’au 1er juillet dernier, il n’existait pas, pour les membres de la fonction publique fédérale, de congé accordé en cas d’interruption de grossesse avant 180 jours calendriers.

En effet, pour l’agent fédéral, l’octroi de droits divers tels que le congé de maternité, le congé de naissance ou encore le congé de circonstances était subordonné à la présentation d’un « acte d'enfant sans vie » tel que visé à l’article 58 du Code civil. Un tel acte n’est délivré que lorsque le seuil de 180 jours de grossesse est dépassé[2].

En accordant un nouveau congé de circonstances de deux jours ouvrables suivant immédiatement la perte de grossesse, l’arrêté royal du 9 juin 2024 entend ainsi permettre aux agents concernés de « disposer de temps pour donner une place à cet évènement »[3], et ce, même avant 180 jours civils. Le gouvernement fédéral suit ainsi l'exemple du gouvernement flamand, qui avait précédemment approuvé un congé similaire dans le statut de son propre personnel.

Le champ d’application de l’arrêté royal du 9 juin 2024

Le régime mis en place par l’arrêté royal du 9 juin 2024 concerne tous les agents du service public fédéral et ce, qu’ils soient contractuels, stagiaires, statutaires ou encore mandataires.

Il bénéficie, à tout membre du personnel confronté à une perte de grossesse. C’est là la grande nouveauté : la Belgique devient le premier pays européen à reconnaître « la douleur du partenaire en cas de perte de grossesse »[4], que ce soit dans le chef du membre du personnel féminin qui a, elle-même, subi la perte de grossesse ou que ce soit dans le chef de son ou sa conjointe.

À cet égard, il importe de préciser que la notion d’épouse au sens de l’arrêté vise, de manière très large, « la personne avec qui le membre du personnel vit en couple au même domicile »[5]. Dans ce cadre, aucune distinction n'est établie entre la cohabitation de fait et la cohabitation légale.

La notion de perte de grossesse est indépendante de la forme qu’elle prend (qu’elle soit d’origine médicale ou spontanée), et peut intervenir dans un intervalle qui s’étend du début de la grossesse jusqu’à 180 jours civils inclus.

Une exigence de notification différenciée

S’il instaure un régime précurseur, l’arrêté royal du 9 juin 2024 introduit toutefois une distinction de traitement qui n’a pas manqué de surprendre les acteurs du monde syndical[6].

En effet, l’octroi du congé de circonstances de deux jours en cas de perte de grossesse n’est pas soumis à la remise d’un certificat de perte de l’enfant, mais à une autre exigence qui s’impose néanmoins de façon asymétrique : alors que l’agente enceinte et confrontée à une fausse couche ne peut obtenir de congé de circonstances qu’à la condition d’avoir préalablement informé son employeur de sa grossesse[7], une telle obligation ne s’applique pas au membre du personnel partenaire confronté(e) à une fausse couche (celui-ci devant uniquement avertir son service de la perte de grossesse au moment où elle survient).

Le dossier sur l’avortement, inévitable « éléphant dans la pièce »

S’exprimant dans le quotidien De Morgen à l’occasion de l’entrée en vigueur de l’arrêté du 9 juin 2024, l’ancienne sénatrice Maud Vanwalleghem (CD&V) invite à profiter du débat suscité par cette réforme pour revoir d’autres « points douloureux » de notre législation[8]. Elle rappelle par exemple, qu’« après une période de gestation de 140 à 180 jours, les femmes n'ont pas droit au congé de maternité alors qu'elles doivent accoucher. Cette expérience est [cependant] très dure physiquement et psychologiquement ».

Selon Mme Vanwalleghem, la frilosité du législateur en la matière s’expliquerait par « l'éléphant dans la pièce » que constitue le lien politique de ce dossier avec celui de l'avortement.

En d’autres termes, plus les parents se voient accorder de garanties en cas de perte de grossesse, plus le fœtus se voit reconnaître un visage, de telle sorte qu’il devient difficile, en parallèle, de prolonger le délai pour avorter.

En tout état de cause, l’arrêté royal du 9 juin 2024 marque déjà une avancée notable pour les agents du secteurs publics. Néanmoins, cette avancée se manifeste dans un contexte où rien n’est prévu pour les travailleurs/euses du secteur privé en Belgique, pour lesquels, une mesure similaire peut être espérée.
 
[1]              Voy. notamment : A. DE BOECK, « België erkent als eerste in Europa de pijn van de partner bij een vroege miskraam », De Morgen, 6 mai 2024, disponible sur https://www.demorgen.be/cs-bf4ef06b/; C. GUIGON et S. ISELIN, « La Belgique accorde un congé de deux jours aux parents en cas de fausse couche », Radio Télévision Suisse, 8 mai 2024, disponible sur https://www.rts.ch/info/monde/2024/article/la-belgique-accorde-un-conge-de-deux-jours-aux-parents-en-cas-de-fausse-couche-28496028.htmlv  ; M. POUL, « La Belgique met en place un ‘congé fausse couche’, une première en Europe », Le Parisien, 9 mai 2024, disponible sur https://www.leparisien.fr/international/la-belgique-met-en-place-un-conge-fausse-couche-une-premiere-en-europe-09-05-2024-J3KUJIOBF5DIPEXKDHTMANK2ZA.php.
[2]              A noter que la loi du 19 décembre 2018, entrée en vigueur le 31 mars 2019, offre aux parents la possibilité de demander un acte d’enfant sans vie, facultatif, après une grossesse de 140 à 179 jours.
[3]              Rapport au Roi précédant l’arrêté royal du 9 juin 2024 précité, M.B., 28 juin 2024, p. 79031-79032.
[4]              de Sutter, P., communiqué de presse du 6 mai 2024, https://desutter.belgium.be/fr/les-fonctionnaires-f%C3%A9d%C3%A9raux-b%C3%A9n%C3%A9ficieront-dun-cong%C3%A9-pour-perte-de-grossesse-%C2%AB-les-partenaires-y.
[5]              Rapport au Roi précité, p. 79031.
[6]              Voy. : « Nouveau congé de circonstances en cas de perte de grossesse », SLFP Secteur public, 25 juin 2024, disponible en ligne sur https://www.slfp.eu/news/article/nouveau-conge-de-circonstances-en-cas-de-perte-de-grossesse.
[7]              Au moyen d’une attestation remise par son médecin, comme prévu par le Codex Bien-être au Travail.
[8]              A. DE BOECK, op. cit.

Auteurs

Caroline Joret
Advocate
XIRIUS PUBLIC, Droit de la santé, Droit social de la fonction publique , Finances publiques, Médiation
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Voir l'auteur Contacter l'auteur Tous les articles de l'auteur
Margaux Kerkhofs
Advocaat-Vennoot
XIRIUS PUBLIC, Droit de la santé, Finances publiques
(00)
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