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Modernisation des droits du patients - Zoom sur la notion de « patient »

Gepubliceerd op : 14/05/2024 14 mai mai 05 2024

Comme nous vous l’indiquions dans un article précédent, ce 4 mars 2024 est entré en vigueur la « nouvelle » loi relative aux droits du patients[1].

Depuis 2002, la loi sur les droits du patient consacre une série de principes qui encadrent la relation entre les prestataires de soins et les patients. Il y a 20 ans, cette loi innovante a renforcé la position du patient permettant à ce dernier de trouver une place dans les soins de santé.

La modification de cette loi intervenue en mars 2024 fait écho au souhait du législateur de s’inscrire dans une vision moderne des soins de santé dans lesquels les patients sont invités à prendre le contrôle de leurs soins[2].

La modernisation de la loi s’articule autour de trois axes :
  • Les droits du patients dans l’intérêt du patient ;
  • Les droits du patients conjointement avec le patient ;
  • Les droits du patients par le patient.

Ainsi, la répartition des rôles entre les soignants et les patients est revue : le patient est renforcé dans son rôle d’acteur « actif » de sa prise en charge thérapeutique.

L’occasion pour nous de revenir sur la notion de patient.

Le patient – sujet passif qui subit

Etymologiquement, le mot patient est dérivé du mot latin « patiens », participe présent du verbe « patior », signifiant « celui qui endure » ou « celui qui souffre ».

Le dictionnaire Larousse définit le patient comme étant « la personne soumise à un examen médical, suivant un traitement ou subissant une intervention chirurgicale ».

D’un point de vue linguistique, le patient est donc le sujet passif qui subit, souffre, endure.

Durant de nombreuses années, le patient appelé « le malade » est considéré comme le sujet passif auquel le médecin dispense des soins. Il ne prend aucune décision sur son état de santé ou sa prise en charge thérapeutique, laissant ainsi au médecin le soin de décider «pour lui ». Dans cette conception, la médecine est seule capable de décrypter les maux d’un patient malade contraint de se laisser prendre en charge. La relation entre le prestataire de soins et le patient est asymétrique[3].
 

Le patient – sujet qui collabore à sa prise en charge

Dès les années 1960, cette vision paternaliste de la médecine a été critiquée et les patients ont cherché à s’émanciper de ce rôle d’acteur passif de leur santé.

Ce mouvement s’est intensifié dans les années 1980, notamment avec l’émergence de différentes crises sanitaires qui ont mis à mal la confiance que les « malades » portaient aux professionnels de la santé. Afin de mieux faire entendre leurs voix, les malades se sont regroupés en associations et ont cherché à transformer les pratiques et les discours des acteurs médicaux pour davantage de reconnaissance de l’expérience des patients. La relation qui jusqu’alors était asymétrique entre le prestaire de soins et le patient devient plus collaborative[4].

Pourtant, dans sa version initiale, la loi du 22 août 2002 définissait encore le patient de manière plutôt passive comme étant la personne « à qui des soins de santé sont dispensés, à sa demande ou non »[5].

En 2002, le patient s’envisageait comme celui qui profitait de, jouissait de ou encore usait de soins de santé – à sa demande ou non.

Lors de l’adoption de la loi sur les droits du patients, l’accent était donc mis sur le fait que le patient n’est pas toujours actif dans sa prise en charge thérapeutique. Au contraire, le législateur de l’époque a considéré que les soins ne sont pas toujours dispensés à la demande de la personne concernée elle-même, mais souvent aussi à la demande d’un tiers et parfois sans qu’il y ait une quelconque demande[6].

De ce point de vue, le patient est donc tantôt un sujet actif de ses soins, tantôt un sujet passif qui subit des soins que les autres auront décidé pour lui.

Le patient acteur de sa santé

Petit à petit, l’émergence des nouvelles technologie, internet et la démocratisation de l’accès aux informations nous ont éloigné de la vision du patient cantonné au rôle de profane condamné à subir les soins.

L’évolution de la médecine et des techniques médicales ouvrent aux patients la perspective de faire des choix, non seulement quant aux examens à réaliser mais également quant aux traitement qui s’offrent à eux.

De plus, bien souvent, le patient n’a plus un seul prestataire de soins qui le traite mais toute une équipe de prestataires qui prennent son traitement en charge de manière multidisciplinaire.

Le patient s’envisage désormais comme une personne qui participe aux soins de santé dont il bénéficie. « Il ne se contente pas de subir les examens et les traitements, mais participe également activement aux soins de santé dont il bénéficie. Puisque la notion de patient a aujourd’hui évolué dans le sens où le patient est un patient participatif et non un patient passif, la définition du patient est adaptée »[7].

La réforme des droits du patient prend la mesure de cette évolution et, dans la version moderne de la loi sur les droits du patient, la définition du patient est formulée de manière active. Le patient devient la personne qui « bénéficie de soins de santé, à sa demande ou non »[8].

Cette nouvelle définition s’inspire de la directive européenne 2011/24/UE relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers qui définit le patient comme étant « toute personne physique qui cherche à bénéficier ou bénéficie de soins de santé dans un État membre »[9]

C’est donc le fait de (chercher à) bénéficier de soins de santé qui confère le statut de patient.

Quelle incidence sur les soins et l’offre de soins ?

Partant et au vu de cette définition du patient, le Conseil de l’Ordre des médecins s’est interrogé sur le fait de savoir si cette nouvelle définition impliquait une obligation pour un professionnel des soins de santé d’accepter tout patient. Il ressort de l’exposé des motifs relatif à la loi du 6 février 2024 que « la dispensation de soins de santé a lieu dès qu’une relation de soins ou une relation thérapeutique a été établie ». Ainsi, le législateur répond par la négative à la préoccupation du Conseil de l’Ordre : la nouvelle définition du patient n’implique pas une obligation pour le prestataire de soins d’accepter tout patient.

Cette préoccupation illustre toutefois le nouveau paradigme de la relation entre le prestataire de soins et le patient : le patient est un acteur central.

Le Ministre fédéral de la Santé insiste d’ailleurs sur le rôle actif du patient en indiquant que « pour donner une place centrale au patient, il faut que les droits du patient contribuent aussi à ce que les soins de santé aient lieu par le patient, avec le patient et dans l’intérêt du patient »[10].

Nous y sommes : le patient obtient une place centrale dans les soins de santé et participe activement à la détermination de son propre besoin.

Pour autant, doit-on y voir une nouvelle asymétrie dans la relation entre le patient et prestataire de soins ? Le patient devenu acteur de sa santé, le prestataire est-il cantonné à un rôle d’exécutant ?

À ces questions nous pensons pouvoir répondre par la négative.

Si la modernisation de la définition du patient s’accompagne d’autres modifications dans la loi sur les droits du patients qui consacrent notamment l’autonomie du patient, les travaux préparatoires rappellent que l’autonomie du patient, garantie dans la loi relative aux droits du patient est le pendant de l’autonomie professionnelle du prestataire de soins (ou liberté diagnostique et thérapeutique) garantie dans la loi qualité du 22 avril 2019[11]. La reconnaissance du droit à l’autodétermination du patient n’est pas absolue.

Ainsi, le patient a droit à des prestations de qualité ciblées qui tiennent compte de ses préférences uniquement dans les limites de la liberté diagnostique et thérapeutique du praticien professionnel. Ainsi, l’autonomie du patient s’articule autour de l’autonomie du praticien. Pour reprendre les mots du conseil national de l’ordre des médecins, « ces autonomies sont interdépendantes »[12].

Un patient presque autonome ?

Au fil du temps, le patient a revendiqué et obtenu rôle actif dans les soins de santé. À plusieurs égards, il nous semble que ce rôle doit toutefois rester limité.

Par leur expérience, les patients peuvent devenir des patients-ressources pour les autres malades ainsi que pour les équipes. Toutefois, dans l’expression de ce savoir expérientiel le patient doit se limiter à ce qu’il est « capable » de faire.

Par ailleurs, dans l’expression de leur préférences, le patient doivent rester conscients des limites thérapeutique auxquelles les prestataires de soins sont confrontés.

Lorsqu’il choisit de prendre part activement à sa prise en charge, le patient doit également partager avec le prestataire de soins la responsabilité des décisions qui sont prises. Ainsi, « en ce qui concerne l’exercice de ses droits comme patient, le patient doit le faire de manière réfléchie », dans la mesure où « le prestataire de soins ne peut soutenir pleinement le patient dans ses choix et ses objectifs de vie que s’il est consulté et impliqué de manière responsable par le patient »[13].

Dans un régime juridique qui protège le patient et assure une offre de soins de qualité, l’autonomie dont jouit le patient ne peut être illimitée. Par la médiation d’un professionnel des soins de santé, une forme d’objectivation des besoins et des priorités peut être réalisée ; l’intérêt général demeure et prime ainsi les intérêts particuliers… pour le bien de tous les patients.
 
[1]              Voy. P. Slegers, P. et Joret, C. « Droits du patient : Modernisation de la loi après 20 ans ».
[2]              Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, 2023-2024, 3676/001, p.5.
[3]               Jaunait A. La relation de coopération médicale et l’asymétrie médecin-patient, Sci Soc Santé. 2007;25(2):67-72.
[4]              Mougeot, F., Robelet, M., Rambaud, C., Occelli, P., Buchet-Poyau,K., Touzet, S., Michel, P. « L’émergence du patient-acteur dans la sécurité des soins en France : une revue narrative de la littérature entre sciences sociales et santé publique », Santé Publique 2018/1 (Vol. 30), pages 73 à 81.
[5]              Article 2, 1° de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient (version du texte de 2002).
[6]              Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, 2001-2002, 1642/001, p.14.
[7]              Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, 2023-2024, 3676/001, p.7.
[8]              A noter que la même modification est apportée dans les textes suivants :
  • La loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l’exercice des professions de soins de santé ;
  • La loi du 31 mars 2010 relative à l’indemnisation des dommages résultant de soins de santé ;
  • La loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé.
[9]              Article 3, h), de la directive européenne 2011/24/UE du 9 mars 2011 relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.
[10]             F. Vandenbroucke, « Modernisation de la loi relative aux droits du patient », https://vandenbroucke.belgium.be/fr/modernisation-de-la-loi-relative-aux-droits-du-patient, 18 avril 2023.
[11]             Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, 2023-2024, 3676/001, p7.
[12]             Conseil national de l’ordre des médecins, Modernisation de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, observations adressées au ministre de la santé publique, doc a170009, p.3.
[13]             Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, 2023-2024, 3676/001, p12.

Auteurs

Caroline Joret
Advocate
XIRIUS PUBLIC, Droit de la santé, Droit social de la fonction publique , Finances publiques, Médiation
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Pierre Slegers
Advocaat-Vennoot
XIRIUS PUBLIC, Droit de la santé, Finances publiques
(00)
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