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La Cour constitutionnelle valide un système régional de subventionnement par lequel les communes s’engagent, par convention, à renoncer à augmenter leur fiscalité ayant un impact sur le développement économique local et régional

Gepubliceerd op : 21/11/2024 21 novembre nov. 11 2024


Le 3 octobre 2024, par son arrêt n° 105/2024, la Cour constitutionnelle a rejeté le recours introduit par la commune de Forest et la Ville de Bruxelles tendant à obtenir l’annulation de l’ordonnance du 1er décembre 2022 visant à associer les communes dans le développement économique de la Région de Bruxelles-Capitale (ci-après « l’ordonnance du 1er décembre 2022 »).

Cette ordonnance réforme un mécanisme préexistant, initialement créé par une ordonnance du 19 juillet 2007 visant à associer les communes dans le développement économique de la Région de Bruxelles-Capitale (ci-après « l’ordonnance du 19 juillet 2007 »). Cette dernière n’avait, à l’époque, pas fait l’objet d’un recours devant la Cour constitutionnelle.

L’arrêt commenté contient un rappel, toujours opportun, de certains principes bien connus du droit des subventions.

Son intérêt majeur réside toutefois surtout, selon nous, dans l’analyse du lien entre subventionnement et impact sur l’autonomie (fiscale) réservée aux pouvoirs locaux. C’est sur cet aspect plus spécifique, que nous reviendrons dans les lignes qui suivent.
 
  1. Le système mis en place par la Région de Bruxelles-Capitale pour associer les communes dans son développement économique

Comme relevé ci-dessus, le principe d’un mécanisme de subventionnement par lequel les communes s’engagent, par convention, à renoncer à augmenter leur fiscalité ayant un impact sur le développement économique local et régional a initialement été mis en place par une ordonnance du 19 juillet 2007. Ce dispositif est né du constat, à l’époque, qu’un nombre élevé d’entreprises quittaient la Région de Bruxelles-Capitale au profit des communes périphériques du Brabant flamand et du Brabant wallon. Parmi les possibles raisons de cet exode, la fiscalité bruxelloise est pointée du doigt. Le législateur ordonnanciel relevait ainsi en 2007 que « la fiscalité en Région bruxelloise [essentiellement du ressort communal] se distingue par son niveau élevé et par une certaine diversité et instabilité réglementaire ». Il était en outre relevé que le rendement fiscal des communes était assez faible[1]

Le principe du mécanisme mis en place suite à ce constat est le suivant : une commune et la Région concluent une convention triennale à l’occasion de laquelle la première s’engage à supprimer certaines taxes et à collaborer avec un comité de suivi lors de la création de toute nouvelle taxe, tandis que la Région s’engage à lui verser une subvention visant notamment à compenser les suppressions de taxes. Les conventions signées sur base de l’ordonnance de 2007 l’avaient été suite à plusieurs appels à candidatures lancé par la Région.

Par l’ordonnance du 1er décembre 2022, le législateur bruxellois a entendu simplifier certaines dispositions de l’ordonnance du 19 juillet 2007, notamment en termes d’accompagnement et de répartition de l’enveloppe budgétaire. L’article 11 de l’ordonnance renferme ainsi désormais une clé de répartition de la subvention attribuée à chaque commune contractante, notamment selon des indicateurs économiques (nombre d’unités locales d’établissements du secteur privé et nombre d’emploi tout statut confondu). 
 
  1. Une ordonnance prévoyant la signature d’une convention par laquelle la Région accorde un subside à la commune signataire destiné, en bref, à encourager cette dernière à ne pas exercer son pouvoir fiscal est-il conforme au principe constitutionnel de l’autonomie locale et à la réserve de compétence fédérale pour limiter le pouvoir fiscal des communes ?

L’arrêt commenté pose la question de savoir si une ordonnance prévoyant la signature d’une convention par laquelle la Région accorde un subside à la commune signataire destiné, en bref, à encourager cette dernière à ne pas exercer son pouvoir fiscal est ou non conforme d’une part au principe constitutionnel de l’autonomie locale et d’autre part, à la réserve de compétence fédérale pour limiter le pouvoir fiscal des communes.

La Cour constitutionnelle répond assurément par l’affirmative à cette question.

En effet, dans cette affaire, la Cour était notamment saisie d’un moyen pris de la violation des règles répartitrices de compétences, et plus particulièrement des articles 10, 11, 41, 162, alinéa 2, 2°, et 170, §§ 3 et 4 de la Constitution. L’article 10 de la loi du 8 août 1980, consacrant la théorie des pouvoirs implicites, était également invoqué.

Dans leur première branche, les communes requérantes reprochaient au législateur bruxellois d’avoir heurté le principe d’autonomie communale en matière fiscale, alors que seul le législateur fédéral aurait pu porter atteinte à cette autonomie[2]-[3].

A l’appui de leur moyen, les communes requérantes soutenaient notamment qu’« […] en réalité, contrairement à ce que la partie intervenante indique, le mécanisme attaqué ne repose pas sur un acte de nature contractuelle. La marge de négociation des termes de la convention n’existe en effet pas pour les communes, qui n’ont d’autre choix que de signer le contrat tel qu’il est proposé par la Région de Bruxelles-Capitale, notamment pour des raisons économiques »[4]. Elles estimaient encore que « leur consentement est vicié pour cause d’abus de circonstances au sens de l’article 5.37 du Code civil, puisque, dans les faits, elles ne peuvent se passer des subsides prévus par l’ordonnance attaquée pour assurer la réalisation de leurs missions d’intérêt général »[5].

Dans la seconde branche de leur moyen, les parties requérantes soutenaient que l’ordonnance attaquée violerait le principe de l’autonomie locale garanti aux articles 41 et 162 de la Constitution, combinés aux articles 10 et 11 de la Constitution.

La Cour constitutionnelle n’a toutefois pas suivi les parties requérantes, et ce principalement en raison du fait que c’est par l’expression d’une volonté de la commune que celle-ci décide, par elle-même, de conclure une convention limitant son pouvoir fiscal.

En ce sens, après avoir constaté que la limitation du pouvoir fiscal des communes est une matière réservée au législateur fédéral[6], de sorte les régions ne pourraient adopter une réglementation qui aurait pour effet de restreindre le pouvoir des communes d’instaurer une taxe que si les conditions d’application de la technique des pouvoirs implicites étaient rencontrées[7], la Cour constate qu’en l’espèce, tel n’est cependant pas l’objet de l’ordonnance attaquée.

En effet, la Cour relève que l’ordonnance faisant l’objet du recours n’a pas pour effet de restreindre le pouvoir fiscal des communes, dès lors que celles-ci demeurent libres de ne pas conclure ledit contrat de subventionnement avec la Région, « auquel cas elles conservent toute latitude de maintenir des impôts et d’en introduire de nouveaux ainsi que d’en acquérir les recettes »[8].

En ce sens, la Cour relève qu’« étant donné que la conclusion du contrat visé et la limitation de l’autonomie fiscale des communes qui en découle sont laissées à l’appréciation des communes, l’ordonnance du 1er décembre 2022 ne constitue pas une exception à l’autonomie fiscale des communes au sens de l’article 170, § 4, alinéa 2, de la Constitution, et elle ne viole donc pas cette disposition constitutionnelle »[9].

Sur base du même raisonnement, la Cour constate qu’aucune limitation au principe d’autonomie locale n’est à constater dès lors que les communes restent libres de conclure ou non le contrat de subventionnement.
 
  1. Quelles leçons en tirer ?

On l’a vu, ce mécanisme bruxellois de subventionnement des communes a été validé par la Cour dans son arrêt du 3 octobre 2024.

La clé de la constitutionnalité du mécanisme de subventionnement à l’épreuve réside, indubitablement, sur la liberté de choix laissée aux communes. La Cour n’a, ainsi, à juste titre selon nous, pas fait droit aux arguments des communes requérantes qui soutenaient que cette liberté de choix n’aurait été qu’apparente dès lors que, dans les faits, pour des motifs économiques, elles n’auraient pu se passer des subsides régionaux.

Cet arrêt permettra certainement, à l’avenir, de resituer l’examen des atteintes alléguées à l’autonomie locale dans leur contexte et de les analyser notamment à la lumière des choix offerts aux entités locales et des options retenues librement par ces dernières.  
 
[1] Projet d’ordonnance visant à associer les communes dans le développement économique de la Région de Bruxelles-Capitale, exposé des motifs, Doc., Parl. Rég. Brux.-Cap., 2006-2007, A-383/1, p. 1.
[2] L’article 170, § 4, de la Constitution disposant qu’ « aucune charge, aucune imposition ne peut être établie par l'agglomération, par la fédération de communes et par la commune que par une décision de leur conseil.
La loi détermine, relativement aux impositions visées à l'alinéa 1er, les exceptions dont la nécessité est démontrée » (nous soulignons et imprimons en gras).
[3] Pour un cas où une norme régionale a été sanctionnée en raison de la violation de l’article 170, §4 de la Constitution, voir C.C., n°78/2016 du 25 mai 2016.
[5] C.C., 3 octobre 2024, n° 105/2024, A.2.1.
[6] C.C., 3 octobre 2024, n° 105/2024, B.9.3.
[7] C.C., 3 octobre 2024, n° 105/2024, B.9.3, c’est-à-dire que la réglementation adoptée soit nécessaire à l’exercice des compétences de la région, que la matière se prête à un régime différencié et que l’incidence des dispositions attaquées sur cette matière ne soit que marginale.
[8] C.C., 3 octobre 2024, n° 105/2024, B.10.2.
[9] C.C., 3 octobre 2024, n° 105/2024, B.10.2.

Auteurs

Clémentine Caillet
Advocaat-Vennoot
XIRIUS PUBLIC, Droit administratif, Droit constitutionnel, Droit de la santé, Droit social de la fonction publique , Finances publiques, Médiation
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Sacha Hancart

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